Nous voici au Québec depuis maintenant 4 semaines. Au matin de notre deuxième semaine, nous avons pris la direction d’un airBnB en campagne. A notre arrivée, nous avons découvert une très grande maison aux larges volumes, dotée d’un grand salon-séjour avec une cuisine ouverte, donnant sur une pièce vitrée très spacieuse. Quatre chambres, deux douches, une baignoire à bulles et deux WC. Pour couronner le tout , nous découvrons une pièce de musique en sous-sol , avec une batterie pour le plus grand bonheur de Théo- mon aîné de 12 ans- et une guitare pour moi. Un véritable cadeau pour moi qui n’ai pas eu la possibilité d’ emporter ma guitare.
A l’extérieur, un grand jardin ouvert, un court de tennis privé, et deux garages…Dans cette maison, équipée de trois télévisions, tout est basé sur l’énergie électrique. Nous rentrons un code sur une serrure électronique pour ouvrir la porte d’entrée et activer la porte automatique du garage. Ainsi nous pouvons rentrer nos courses dans notre réfrigérateur/congélateur puis utiliser les plaques de cuisson ou le four électrique pour cuisiner.
Pour se laver les mains ou tirer la chasse d’eau des toilettes, l’eau est captée par une pompe électrique dans un forage.
Pour se laver, l’eau est chauffée par une résistance électrique, et nous utilisons encore de l’électricité pour laver notre vaisselle dans le lave-vaisselle.
Pour nous qui n’ avons vécu avec rien de tout cela durant de nombreuses années, ce confort soudain est un véritable luxe et, je dois l’avouer, est particulièrement appréciable.
Pour avoir de l’eau il suffit d’ouvrir un robinet, pour bon nombre de choses, il nous suffit d’appuyer sur un bouton, et par magie notre vie prend une toute autre allure…
4 jours après notre arrivée, en soirée, nous avons eu une coupure de courant durant quelques heures et une partie de la nuit. Suffisamment longtemps pour créer en nous une sorte d’alerte !. Un petit quelque chose qui nous a renvoyé à nos années de 2012 à 2019 où nous vivions en totale autonomie. La lumière au rendez-vous, l’eau à portée de main, nous avions peu, mais le nécessaire. Nos petits espaces de vie étaient aisément chauffés par le bois glané ici et là.
La maison était chauffée depuis le matin et malgré les 5° à l’extérieur et les rafales de vent à quelques 120km/h, nous avions maintenu une vingtaine de degrés à l’intérieur. Maude venait de finir de cuisiner le repas de midi, des pâtes aux légumes, il était temps de nous restaurer.
Le lave-vaisselle et la machine à laver sont restés en suspens. Un peu comme si lorsque l’électricité se coupe, le temps reprend sa place et devient à nouveau ce qu’il est et sera toujours, un instant présent bercé dans l’ici et maintenant.
Le calme s’installe et alors nous découvrons et prenons conscience de toutes ces petites pollutions sonores qui imprègnent notre quotidien : le moteur du réfrigérateur, la machine à laver, la ventilation, les divers bips qui nous indiquent que le four est à température ou que le lave-vaisselle a terminé son cycle…
Nous avons passé un petit temps à attendre que l’électricité soit rétablie pour continuer la suite. Un petit peu comme si les solutions étaient à l’extérieur de nous, et que nous étions impuissants face à cette situation, bercés dans l’attente et l’espoir que l’ancien revienne.
Puis rapidement nous avons compris qu’attendre n’était pas la solution, car cette situation risquait sans doute de durer plusieurs jours . Notre capacité de résilience est forte est il est de notre devoir de nous la ré-aproprier !
En ce sens le confort est illusoire car il nous berce dans un doux cocon de solutions placées à l’extérieur de nous et dont nous sommes dépendants, spectateurs et non acteurs.
De notre côté, nous avons rapidement fait un état des lieux de nos faiblesses :
Premier point, l’eau. car nos réserves sont faibles pour 5 personnes. Bien que autonomes dans notre capacité à potabiliser, purifier et dynamiser l’eau grâce à notre système Aquadyn Mélusine, ici nous n’avons rien pour transformer l’électricité. Aucun système autonome. Depuis 7 ans, nous avons toujours eu un système autonome solaire mais aujourd’hui, malgré tout l’équipement dont bénéficie cette maison, nous sommes dans l’incapacité de produire quelque watt que ce soit …
Deuxième point, nous chauffer. S’il fait encore une température relativement stable, dès la tombée de la nuit , ce sera différent.
Dernier point, nous nourrir. Lorsque absolument tout fonctionne à l’électricité, même l’action basique de se nourrir, se complique.
Après un rapide coup de fil à l’épicerie locale, pour être sûr qu’elle était ouverte et disposait d’électricité, nous avons décidé avec Théo, de nous y rendre . Notre mission : trouver de l’eau et de la nourriture ne nécessitant pas d’être cuite ou réchauffée.
Après avoir fouillé dans le garage du propriétaire, j’ai trouvé une tronçonneuse, quelques morceaux de bois afin de pouvoir allumer la cuisinière à bois qui se trouve dans la véranda de la maison. Cela nous permettra de garder une pièce à peu près chauffée, de faire tiédir de l’eau et d’y réchauffer des aliments.
Les enfants s’amusent, nous jouons tous ensemble, nous faisons de la musique, des parties de cache-cache dans le noir.
Plus d’écran, plus de sonnerie de portable, plus de distraction… nous, juste nous, un petit peu hors du temps.
Tout ceci m’amène à la réflexion suivante :
notre confort moderne fondé sur le tout électrique n’est il pas illusoire?
Au cours de ces dernières années, je me suis intéressé aux mouvements dit complotistes, aux survivalisme, aux low-tech, aux villes en transition, aux événements climatiques… A mon échelle, je suis capable de lire tout et son contraire, . Aussi, si je penche pour une théorie toute la littérature me donnera raison, et il en sera de même pour l’inverse.
Il m’est donc difficile de dire ou d’imaginer à quel moment le pétrole fera défaut, à quel moment les conditions climatiques poseront problème, si une minorité de la population joue au monopoly avec le reste… Mais il est de mon devoir d’augmenter ma capacité de résilience.
La résilience c’est ma capacité à absorber, à surmonter un choc traumatique. Ainsi je ne vis pas dans la peur du choc, de ce qu’il pourrait advenir, mais je développe une chose essentielle : savoir que je peux compter sur qui je suis et sur mes capacités. Il en est de même pour mon entourage, alors ensemble nous pouvons déplacer des montagnes;
Nos années en roulotte (voiture à cheval tirée par deux chevaux de traits), nous ont appris entre autres, deux choses essentielles : vivre dans l’instant présent et nous satisfaire de ce que nous avons.
Vivre dans l’instant présent fut bien l’un des apprentissage les plus difficiles. Nous avons dû apprendre à ne plus nous soucier du lendemain, tout en n’ayant rien qui nous sécurisait (dans nos têtes) sur notre avenir. Nos réserves en eau, en nourriture, n’étaient que d’un jour ou deux. Les terrains que nous trouvions ne donnaient parfois qu’une journée d’herbe pour les chevaux…
Lorsque nous sécurisons (sclérosons) notre avenir, en réalité nous créons une attente, un résultat espéré sur quelque chose que nous imaginons, créons, et posons à cet instant précis pour le futur. Seulement, cet instant et toutes ses composantes ne valent que pour “le maintenant”, cet instant précis que nous vivons pour chaque seconde. Or, nous nous demandons de créer un futur, à partir d’éléments du passé (ce que nous sommes en capacité d’imaginer!), sans en connaître toutes ses composantes futures.
En réalité le problème ne réside pas tout à fait à cet endroit. Non le problème réside dans le fait de s’attacher aux résultats futurs.
Si j’imagine le futur, je dois également imaginer la possibilité que tout change et que rien de ce que j’imagine ne se passe comme prévu.
Si j’imagine un résultat mais que je ne m’y attache pas, alors il me guide jusqu’à ce qu’un autre objectif s’offre à moi, imaginé avec de nouveau possibles. Je ne cherche pas à réaliser quelque chose, mais à vivre instant après instant ce que j’ai de plus beau à faire : m’offrir à moi-même et offrir au monde la belle personne que je suis.
“Vivre l’instant” ne s’oppose pas à “faire des projets, imaginer le futur et mettre des actions en place pour plus tard”. Non, vivre l’instant présent revient à faire tout cela en n’accordant d’importance qu’à ce que nous vivons dans l’instant, dans l’ici et maintenant, tout en diminuant l’importance de nos attentes face aux résultats que nous aimerions atteindre.
Quel serait le sens d’adopter une telle attitude? Tout simplement d’augmenter notre capacité à absorber un choc traumatique, changer notre point de vue et apprécier ce qui est.
Car nous ne pouvons rien changer à une situation donnée, exceptée notre perception de cette dernière, ce qui revient à changer intégralement cette situation sans la modifier !
Pour moi vivre l’instant présent, c’est également changer la perception de ce que je vis pour maximiser le champ des possibles en m’ouvrant au potentiel de l’instant. Qu’importent mes plans, mes objectifs, je découvre que dans l’instant, se trouvent tous mes besoins.
Cela m’amène aux deuxième point : me satisfaire de ce que j’ai. Car, à mon sens la résilience passe aussi par là. Il y a ce que j’aimerais, il y a ce que je désire, il y a ce que j’ai là, ici et maintenant.
Encore une fois, si je ne peux pas changer ce que j’ai, je peux changer ma perception de cela. Changer d’angle de vision, prendre du recul, de la hauteur, et apprécier un instant ce que j’ai.
De cette appréciation, peut naître un nombre conséquent de possibles. Lorsque l’on regarde, sous un angle différent, une situation , un bien matériel, une relation, on peut en percevoir tout le bénéfice. Car, quelque soit l’expérience, quelle soit heureuse ou douloureuse, nous avons toujours à apprendre sur qui nous sommes et sur ce que nous sommes venus offrir au monde.
Me satisfaire d’une situation dans l’instant ne signifie pas de rester dans un état de souffrance, ou de forte difficulté , seulement à un moment, nos actions ont une limite. Nous n’avons alors aucune autre option que de regarder et re-évaluer la situation avec de nouveaux yeux.
Nos solutions les plus incroyables sont toujours toutes venues de là, de notre capacité à re-évaluer la situation et de la revisiter avec de nouveaux yeux. Afin d’y parvenir il m’est nécessaire de réaliser deux choses : Prendre un temps de respiration et de calme intérieur et Ne rien faire !
Prendre un temps de calme et de respiration intérieurs m’offre la possibilité d’apaiser mes émotions et d’ “écouter” ce que mon corps souhaite me délivrer comme message. La méthode TIPI de Luc Nicon est en ce sens une très bonne base de travail.
Savez-vous que notre amygdale, cette toute petite glande en forme d’amande située tout près de l’hippocampe, dans la partie frontale du lobe temporal, est en quelque sorte notre société de sécurité intérieure, le siège de nos émotions?
Et lorsque que nous subissons un stimulus émotionnel, c’est elle qui prend les rênes. Elle est alors en capacité de contrôler nos mouvements, mais également le siège de notre pensée. En résumé, lorsque je vis une émotion intense, un choc, il est fort probable que mes actions et mes pensées soient sous “ le coup de l’émotion” et ne soient pas les plus appropriées à la situation. Vous comprenez que lorsque vous imaginez un résulat et que ce dernier n’est pas au rendez-vous, cela peut déclencher une séquence émotionnelle qui générera une succession d’actions non adaptées à la situation;
Lorsqu’une situation émotionnelle survient, le temps que je m’offre à “écouter” le message que mon corps veut me transmettre, est un véritable cadeau et me permet d’apprécier ce qui est.
Vient dans un second temps : “Ne rien faire” , le non-agir … Nous sommes habitués à l’action,bercés par l’illusion que “faire” résout les problèmes, or, ne rien faire se trouve être souvent la meilleure des options.
Car fréquemment, nous brassons de l’air pour nous occuper et ne pas écouter nos propres émotions. Comme le dit si bien Neal Donald Walsh, “La vie se résout dans le processus de la vie elle même et nous devons lui faire confiance”. Il s’agit ici d’Etre plus que de Faire.
Et puis l’électricité est revenue. Nous avons alors retrouvé l’usage de nos différents appareils électroniques connectés au réseau. Ordinateurs, internet, télé, chauffage, lave vaisselle, lumière…
Au final, je ne suis absolument pas contre ce confort électrique, simplement je ne m’y accroche pas. S’il est là, tant mieux, s’il ne l’est pas, alors faisons différemment. Car nous nous adapterons, en prenant le temps de respirer et de re-évaluer la situation.
Notre force principale ne réside pas dans ce que nous possédons, nos capacités ne sont pas le reflet de nos potentiel financiers. Non, ce que nous possédons de plus précieux se trouve à l’intérieur de nous, dans notre coeur. Et lorsque nous co-créons les uns avec les autres en utilisant notre coeur, alors des milliers de possibles émergent et de nouveau tout devient possible.
Au final, cette panne de courant nous aura ramenés à l’essentiel : nous rappeler que nous avons à simplifier nos vies, à les autonomiser au maximum, à continuer d’augmenter notre résilience face à ce qui se présente à nous. Car si je ne suis pas en mesure d’imaginer ce que demain présentera, je peux en revanche, développer ma capacité d’adaptation, de réflexion et d’action à ce qu’il adviendra.
Je suis mes propres ressources.
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